Etant donné qu’on a tous 2 oreilles et 2 yeux, pourquoi a-t-on seulement une bouche ?
Nous revoilà après quelques semaines sans avoir donné signes
de vie ! Vous devez penser qu’on se la coulait douce sur notre île du
Pacifique ?
Que nenni !
On a travaillé durant tout le mois de mai dans une
packhouse, une usine d’emballage de kiwis, et croyez-moi ça n’avait rien d’une
sinécure (c’est pas faux.) ! On faisait les shifts de nuit, de 17h45 à
4h30, avec une pause « lunch » d’une demi-heure de 23h15 à 23h45, et
deux petites pauses « smoko » d’un quart d’heure vers 20h et 2h..
Autant vous dire qu’on n’avait pas de vie à côté. Le réveil à 15h nous laissait
juste le temps de prendre une douche, manger un morceau et préparer notre repas
pour le lunch, avant de nous rendre joyeusement à la packhouse.
L’avantage indéniable d’un emploi du temps où tu bosses plus
de 10h/jour 6j/7 c’est que tu gagnes pas mal de sous. On était payés un peu
plus du minimum horaire (pas très éloigné du SMIC français) et on avait peu de
dépenses ce qui nous a permis de mettre des sous de côté assez rapidement.
Nous avons choisi de loger au Motu Trails, un point de
ralliement de backpackers (beaucoup de français mais aussi des allemands, des
canadiens, etc… Comme quoi même à l’autre bout du monde c’est blindé d’étrangers)
qui est à 5 minutes de la packhouse et qui ne coûte pas trop cher :
75$/personne/semaine (oui le logement comme le salaire sont hebdomadaires en
Nouvelle-Zélande !) Du coup, on logeait dans le van, mais on avait accès à
des douches chaudes, des toilettes et une cuisine commune, le top
confort !
Le boulot a été éprouvant, tant mentalement que physiquement.
Poils aux dents (j’espère que Clélia ne reliras pas son article et laissera cette
phrase parce que c’est marrant un peu quand même.) . Je ne m’attendais pas à
trouver ça aussi dur. Le travail n’est pas compliqué en soi : j’ai
commencé « packer », c’est-à-dire la personne qui mets les kiwis dans
les boîtes et qui les ferme. Mais la cadence imposée par la machine et la
difficulté pour discuter avec d’autres gens rendaient le job pénible. 10 heures
sans échanges c’est long…
![]() |
| Martin heureux d'empiler des boîtes de kiwis ! |
Les kiwis arrivent sur un tapis roulant, et un compte exact
tombe dans la boite en carton envoyée par quelqu’un de l’autre côté de ce même
tapis roulant. Lorsque les kiwis sont dans la boîte, il faut les disposer de
façon à pouvoir fermer la boîte, replier les pans de plastique, clipser les
fermoirs en carton et envoyer la boîte aux « stackers » (ce que
faisait Martin). Ceux-ci collent des étiquettes sur les boîtes et les empilent
sur des palettes jusqu’à 2,5~3m de haut.
La plupart des personnes
travaillant dans la packhouse sont des insulaires venant des îles Samoa ou
Tonga. Des hommes et des femmes très costauds pour la plupart.
Une Tongienne
m’a donné son secret pour « avoir la force » : mangez beaucoup.
Aussi simple que ça. Selon elle, je n’aurais pas la force car je mange trop
peu, par conséquent je ne peux pas devenir grosse et forte comme elle.
Du coup j'ai fait du brownie.
Mais n’avais clairement pas la force et après une
semaine mon dos était en compote, j’ai donc demandé à changer de poste et on
m’a mise sur les machines semi automatiques : les kiwis étaient déjà dans
la boîte je n’avais plus qu’à enrouler le plastique et fermer la boite en
carton. C’était pire. Le rythme était plus soutenu et j’ai très vite demandé à
nouveau à changer. On m’a mise « grader » au triage des kiwis, qui
est l’étape en amont de l’emballage : ils arrivaient sur un tapis roulant
et il fallait éliminer ceux présentant des défauts. Seulement rester debout
statique pendant 10h n’arrangeait pas grand-chose pour mon dos. J’ai donc
(encore) demandé à changer et je me suis retrouvée « line monitor »,
une des positions les plus enviables de la packhouse : je devais compter
toutes les 15 minutes les kiwis distribués par la machine pour m’assurer que le
compte était bon, et vérifier l’état de 400 kiwis par palette pour vérifier
qu’ils avaient bien été triés par les « graders ». Seulement c’était
trop tard, j’étais déjà esquintée. En levant une boite de kiwis pour m’écarter
de la zone de passage et pouvoir les compter tranquillement je me suis coincé
le dos. Du coup fini la packhouse, les 10h à écouter des playlists affreuses
constituées de remix reggae immondes de chansons connues, debout sur un sol en
béton traumatique pour les articulations, tout en emballant des kiwis.
![]() |
| Contente de visiter Whakatane, la ville où il y a un chiropracteur qui va me réparer le dos ! |
Il était temps d’arrêter, le mental commençait à lâcher aussi.
On devenait un peu fous, du genre à se poser des questions existentielles « où
est-ce que je pourrais m’établir pour ma retraite ? » « Le monde
court-il à sa perte ? » « Pourquoi quand je ferme les yeux je
vois du noir alors que l’intérieur de mes paupières est rouge ? » « A
quelle vitesse faut-il lancer un kiwi pour assommer la manager ? » « Pourquoi
a-t-on deux yeux et deux oreilles alors qu’on a qu’une seule bouche ? »
bref, ça commençait à sérieusement dérailler là-dedans !
Du coup j'ai refait un gâteau !
On n’a pas mis autant de sous de côté que prévu, mais de
toute façon on atteignait la fin de la saison, les semaines étaient moins
complètes à cause du temps : les cueilleurs ne pouvaient pas cueillir de
kiwis à cause de la pluie, et par conséquent on n’avait pas de fruits à
emballer. On se retrouvait donc à faire des semaines d’à peine 20h, bien moins
rentables que les semaines de 60h de quand on a commencé !
On a quand même fait de belles rencontres durant ce mois à
Opotiki, des français, des tahitiens, des québecois, qui nous ont permis de
pratiquer le français (histoire de ne pas perdre notre niveau..) et nos belles
traditions (l’apéro particulièrement) !
On est donc à la recherche d’un hôte via le site
workaway : une personne qui nous logerait et nourrirait en échange de
quelques heures de travail quotidien, afin de passer un mois d’hiver au chaud et
de retaper le van tranquillement avant de prendre la route !
Le projet (PROJEEEET) c’est donc de se rendre dans le
Northland, pour chercher un peu de chaleur, et bien sûr, on compte profiter de
la route !





Vous lire avec la bande son d'Ocean 8 est un inattendu mélange mais ca fonctionne d'enfer.
RépondreSupprimerEmballer du kiwi 10h par jour ça doit bien déglinguer son Martin et sa Clélia.
Ça fait toujours plaisir de vous lire et l'aventure n'en est qu'à ses débuts.
Courage à tous les deux.
Babeth et moi-même vous enbrassons très fort and we both looking forward to reading your adventure .
Bisouxxxx